le pourquoi du comment - Plongée sans sel

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le pourquoi du comment

Militaria

La Guerre Eternelle par Marvanno-Haldeman (Editions DUPUIS, 1988)

Le titre de cet article rappellera aux passionnés de SF ce célèbre roman américain que compléta superbement la BD éponyme de Marvanno.

Pourquoi des photos de guerre sur un blog de plongée ? Parce que cette misère humaine, sauvage et qui semble éternelle, se rappelle tristement tous les jours à nous. La mémoire semble reléguée dans les musées ou dans les écoles.

Est-ce donc si facile de convaincre les hommes de tuer malgré ce que nous enseigne le passé ?

A droite: carte postale (très) patriotique de la Grande-Guerre. Collection personnelle (cliquez pour agrandir)

A gauche: on ne le présente plus (inutile de cliquer)

De la guerre à l'environnement, tous les sujets de société qui me touchent. Et ils sont nombreux.

Une seule constatation, la bêtise humaine est insondable et notre espèce court gentiment à sa perte.

Pessimiste ? Totalement.

Débarquement à Guantanamo, supplément illustré du "Petit Journal" (3 juillet 1898). Collection personnelle (cliquez pour agrandir)

Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, si l'espoir de ne jamais plus voir des dingues s'installer au pouvoir dans les démocraties était jusqu'à peu très fort, la réalité m'a bien douché.

La première panacée pour une nation mal dirigée est l'inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques.
Ernest Hemingway




Si on a des armes et des abrutis prêts à les utiliser, pourquoi se gêner ?
Général Marcel OUKTAMIMONOBUS






D’où viennent les tortionnaires d’Abou Ghraib ?

En raison de l’extension de la « guerre contre le terrorisme » et du nombre de bases militaires américaines à l’étranger, les tâches de surveillance d’un grand nombre de prisonniers de guerre, « combattants ennemis » et autres « menaces contre la sécurité » civile ont été confiées à l’armée et au corps des marines. Ce besoin nouveau de gardiens de prison a été en grande partie satisfait par la réserve de l’armée. Depuis avril 2003, plus de cinq mille gardiens de prisons civiles ont été appelés à reprendre du service dans l’armée ; selon l’Association des établissements pénitentiaires américains, ce chiffre pourrait atteindre les neuf mille.

Il n’existe pas d’informations officielles sur la nature exacte des emplois qui ont été assignés à ce personnel civil, mais, selon M. Mark S. Inch, le directeur du service chargé des établissements pénitentiaires et de l’internement, « pour le réserviste, il ne pourrait y avoir de synergie plus manifeste et plus importante à la réussite de sa mission que celle qui existe entre son travail comme civil dans le domaine pénitentiaire et sa tâche de surveillance des combattants ennemis incarcérés en Afghanistan, à Cuba [Guantánamo] et en Irak ».

Cette « synergie » est considérable. La 300e brigade de la police militaire, qui compte de nombreux gardiens de prison du Michigan, a été chargée de l’organisation de Camp Delta, à Guantánamo. M. John Vanatta, le sous-officier le plus haut gradé de la brigade, est le directeur du centre carcéral de Miami, dans l’Indiana. Soixante autres « responsables pénitentiaires professionnels » occupent des « postes administratifs et de direction-clés » dans le centre de détention de Guantánamo. En Afghanistan, le 327e bataillon de la police militaire, comprenant de nombreux gardiens de prison et policiers de Chicago, est actuellement chargé des opérations de détention. La 800e brigade de la police militaire, de triste notoriété, avait pour mission de « rétablir le système carcéral irakien » ainsi que de fournir le personnel de surveillance et de gestion des prisons de l’armée où sont détenus les « combattants ennemis » et les prisonniers de guerre. Le capitaine Michael McIntyre et l’adjudant Don Bowen, deux architectes du système pénitentiaire irakien, sont employés au pénitencier de Terre Haute, dans l’Indiana.

Parmi les soldats réservistes condamnés pour différents crimes à la prison d’Abou Ghraib, plusieurs étaient des gardiens de pénitenciers civils. M. Ivan L. « Chip » Frederick II, notamment, identifié dans le rapport Taguba – rapport d’enquête sur la 800e brigade de la police militaire – comme l’un des « meneurs » en raison de son expertise en matière de « châtiments », était gardien de prison en Virginie. M. Charles A. Graner Jr, que l’on voit sourire aux côtés de Mme Lynndie England derrière une pyramide de prisonniers irakiens nus, sur une photographie devenue tristement célèbre, avait commis des violences réitérées contre des détenus de l’établissement pénitentiaire d’Etat de Greene, une prison de très haute sécurité de Pennsylvanie, où il travaillait. Des rapports de l’armée indiquent qu’en mai 2003 M. Graner a été nommé à un poste de responsabilité à la prison d’Abou Ghraib en vertu de son expérience de geôlier.

M. Graner n’est pas le seul à qui l’on ait confié des fonctions d’autorité après qu’il eut fait l’objet d’accusations de maltraitance aux Etats-Unis. Directeur adjoint des opérations relatives aux prisons américaines en Irak en 2004, M. John J. Amstrong démissionna de son poste de commissaire des établissements pénitentiaires du Connecticut à l’issue de procès intentés par les familles de deux des deux cents détenus de cet Etat, morts après leur transfert à Wallens Ridge, une prison de très haute sécurité, en Virginie.

M. Lane McCotter est un responsable de la Management and Training Corporation, une entreprise gestionnaire de prisons privées, où il a trouvé un emploi après avoir dû démissionner de ses fonctions de directeur du département des établissements pénitentiaires de l’Utah à la suite du décès d’un prisonnier, qui avait été enchaîné nu à une chaise pendant seize heures d’affilée. Le ministre de la justice John Ashcroft a choisi M. McCotter pour diriger la réouverture des prisons irakiennes sous le commandement américain et pour former les gardiens irakiens ; à son tour, M. McCotter a choisi Abou Ghraib comme « le meilleur site de la principale prison américaine » et supervisé la réorganisation de celle-ci. Un mois à peine avant qu’il soit envoyé en Irak, le ministère de la justice, dans un rapport rédigé après le décès d’un prisonnier, déplorait le manque de soins médicaux et psychiatriques dans l’un des centres carcéraux gérés par la Management and Training Corporation.

Les pratiques dernièrement révélées n’ont pas seulement cours dans les prisons militaires américaines situées à l’étranger. Malgré un discours officiel qui prétend le contraire, la violence est chose courante dans les établissements pénitentiaires américains. Torture, humiliations, traitements dégradants, agressions sexuelles, attaques armées ou avec des chiens, extorsions et sports sanguinaires ont toujours fait partie de la culture du personnel pénitentiaire aux Etats-Unis.

La parfaite « normalité » des brutalités « exceptionnelles » explique pourquoi la collaboration a été facile entre réservistes et professionnels de la police militaire, comme l’indique le rapport Taguba. Cette présumée normalité explique aussi pourquoi aucune des personnes interrogées par le Federal Bureau of Investigation (FBI) n’avait constaté d’« abus » ni de « mauvais traitements » à la prison d’Abou Ghraib.

Comme le montrent les documents obtenus par l’Union américaine pour les libertés civiques, rien de ce qui a pu être constaté à Abou Ghraib – prisonniers la tête recouverte de sacs en Nylon et menottés au mur, détenus placés en isolement et étendus nus sur un sol mouillé bras et jambes écartés, prisonniers privés de sommeil, gardes frappant des détenus dans le ventre à coups de pied de manière répétée, prisonniers mis en état de choc et d’incapacité, menaces contre des proches des détenus, brûlures, stigmates – « ne s’apparentait à des mauvais traitements », car il s’agissait de procédés, pour citer les personnes interrogées dans le rapport, « qui n’étaient pas différents de (...) [ceux] que nous avons vu utiliser dans les prisons américaines ».

De fait, les photographies de la prison d’Abou Ghraib ne révélaient pas les pratiques de quelques « brebis galeuses ». Ces clichés dévoilaient le mode de fonctionnement de la prison légale, actuelle, à la pointe de la modernité. En témoigne l’essor pris ces vingt-cinq dernières années par l’incarcération en très haute sécurité, le dernier cri en matière de technologie carcérale, et sans doute le prototype d’une refonte de la prison militaire dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Aux Etats-Unis, 6,9 millions de personnes, majoritairement des pauvres, Noirs et Hispaniques, se trouvent en détention (2,2 millions) ou en liberté surveillée, plus de la moitié d’entre elles ayant été condamnées pour des infractions sans violence liées à la drogue et à des délits économiques mineurs. Pourtant, près de 2 % de cette population font l’objet d’une ségrégation administrative, pour employer l’euphémisme consacré. Incarcérés dans des unités de sécurité fortifiées, véritables prisons dans la prison, ces détenus sont placés sous surveillance électronique et enfermés entre vingt-trois et vingt-quatre heures par jour dans des cellules minuscules et sans fenêtre, aux portes en acier, qu’ils quittent périodiquement, accompagnés par des gardes armés, pour les douches et des exercices qu’ils effectuent enchaînés et dans des cages.

En général, les prisons américaines sont fortement militarisées, dotées de structures de commandement verticales, de normes d’obéissance et d’une culture paranoïaque (« eux » et « nous ») quasiment identiques à celles qui règnent dans les rangs de l’armée. Les aspects militaristes de la surveillance carcérale se sont accentués du fait de la possibilité autorisée de plus en plus librement de recourir à la force létale, et de la présence au sein de la prison d’armes et d’équipements de surveillance électronique technologiquement sophistiqués – « détecteurs de métaux, machines à rayons X, fers, ceintures incapacitantes, “boîtes noires”, cages où les détenus sont enfermés, chaises de contrainte, Taser [armes à électrochocs], pistolets paralysants, bombes au poivre, bombes lacrymogènes, grenades au gaz, minifusils de 14 et 9 mm, carabines de 12 mm ».

Dans les quartiers de très haute sécurité, la force « excessive » n’est pas seulement autorisée, elle est routinière : extraction forcée des prisonniers de leurs cellules, Taser, bombes et camisoles chimiques, pistolets paralysants, privation de sommeil et surmenage sensoriel font partie du régime carcéral normal. Le rapprochement est saisissant : la conduite de la guerre s’apparente de plus en plus au fonctionnement d’une prison de haute sécurité, et la prison fonctionne de plus en plus comme une guerre menée au nom de la sécurité.

Les droits politiques et civiques du prisonnier ont été sévèrement amputés ces dix dernières années. Les détenus qui n’ont pas accès à une aide juridique indépendante, maintenus sans communication dans des lieux secrets inaccessibles au public, sont aussi nombreux sur le territoire américain qu’à l’étranger.

Le langage sécuritaire autorise sui generis l’incarcération sous très haute sécurité en traitant ces mesures non comme un châtiment, mais comme un ensemble de procédures administratives destinées à gérer une population carcérale à haut risque. Considérées comme « ordinaires » et comme des normes acceptables de la vie carcérale, ces procédures constituaient naguère des violations du huitième amendement de la Constitution américaine, qui interdit les châtiments « cruels et inhabituels ». Les cas relevant du huitième amendement portés devant la Cour suprême constituent précisément la base juridique et linguistique des memoranda de la Maison Blanche sur l’« interrogatoire des détenus » dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme ».

Ces rapports distinguent ce qui relève de la torture de ce qui ne constitue que des mauvais traitements ; ce qui représente une souffrance prolongée et non des blessures durables ou permanentes. Ils soulignent que pour qu’il y ait violation du huitième amendement il faut prouver une intention particulière, délibérée, d’infliger un traitement cruel ou un châtiment excessif. Ils ne font en fait que refléter une réalité sociale implacable déjà établie, dans la loi et dans la pratique, dans la prison civile, où règne en toute impunité et immunité le pouvoir de l’Etat souverain.

Avery F. Gordon.

Source: http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/GORDON/14128

Décrire les guerres du passé revient souvent à expliquer le présent, du moins à comprendre que le déclenchement d'un conflit obéit toujours aux mêmes règles politiques: populisme et mensonge.

Sans cela, qui voudrait prendre un flingue pour aller tuer un mec qu'on ne connait même pas ?

Entre cartes postales et photos sur le terrain, j'avais de quoi créer un petit site 'Militaria' mais à ma sauce.

C'est à dire critique. Mais peut-il en être autrement ?

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